CHRISTOPHER A LONG - L'Avifaune du Bocage en Normandie
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L'avifaune du bocage :
un exemple à Pont-Farcy
(le Bosquet)

Notes rédigées par Jean Collette
à l'occasion de la visite du Bosquet,
le 21 Octobre 2010, par 30 étudiants
du Lycée de Thère (Manche).

Rappel : multifonctionnalité de l'agriculture (nourrir les hommes, protéger les sols, l'eau, entretenir les paysages, protéger la biodiversité prise en compte dans certains programmes d'aides (CTE, CAD, MAE, Natura 2000...)


Voir aussi: Refuge au Bosquet 07-2011 par J. Collette (Petit Cormoran)

Voir aussi : Groupe Ornithologique Normand (GONm)

Voir aussi : Ornithologie au Bosquet

Voir aussi : Le Boquet, une étude archéologique

Voir aussi : Index principal

Il n'y a pas un mais « des bocages », d'aspect variable selon les régions. La taille des parcelles, l'usage agricole des terres (labours ou prairies), la constitution des haies (talus ou non, hauteur, épaisseur, composition floristique, pratiques d'entretien, lien à la topographie), la circulation de l'eau (fossés, cours d'eau, mares et étangs, prairies humides), etc., sont autant de facteurs qui expliquent la diversité des bocages et leur évolution au cours du temps. Ce paysage résulte de l'activité agricole et subit les transformations induites par les changements dans les pratiques. L'exemple le plus évident est l'agrandissement des parcelles consécutif à la mécanisation de l'agriculture.

Sauf exception (murets de pierres), la haie vive enfermant les parcelles est l'élément caractéristique du bocage. C'est une création de l'homme, par plantation, bouturage, recépage et tailles répétées. Elle ne subsiste qu'à condition d'être entretenue régulièrement. Dans le cas contraire, elle évolue vers un massif de broussailles (ronciers essentiellement dans un premier temps) qui recolonise les parcelles abandonnées (cas des zones en déprise agricole).

À droite : Jean Collette, ornithologue du GONm, en train d'expliquer le rôle des haies dans le Bocage à une trentaine d'étudiants du Lycée de Thère.

Avec ou sans talus, la haie a des fonctions diverses qui justifient son existence : clôture, protection des cultures, abri du bétail (brise vent, ombre...), production de bois et récoltes diverses, protection des sols contre l'érosion, participation à la régulation du cycle de l'eau etc. Le boisement a non seulement un effet à l'échelle de la parcelle mais plus largement à l'échelle régionale (rugosité du paysage entrant en jeu dans la protection contre les effets destructeurs des ouragans, pluviométrie encouragée par le taux de boisement.)

La haie est l'habitat de nombreuses espèces sauvages, plantes et animaux. On compare souvent la haie à une forêt linéaire, ce qui est approximatif : c'est plus une lisière qu'une forêt. Elle abrite de nombreuses espèces utilisant aussi bien la haie que l'espace des parcelles proches (espèces à cheval sur deux milieux). C'est aussi un couloir qui permet la circulation et l'échange des espèces sauvages : la notion de corridor biologique est maintenant mise en avant pour mieux comprendre la répartition des espèces sauvages sur notre territoire (« Trame verte et bleue » en cours de discussion).

Les haies ne sont pas uniformément « habitées », en particulier par les oiseaux : selon ses caractéristiques (hauteur, largeur, composition...) mais aussi sa situation dans le maillage, chaque tronçon est plus ou moins attractif selon ses connexions. Par exemple une haie en contact avec un bosquet accueillera plus d'espèces et de couples que d'autres. Inversement, la partie de la haie qui s'interromps sans contact avec une autre sera peu peuplée : au delà de quelques dizaines de mètres, les passereaux bocagers rechignent à voler « dans le vide », c'est là qu'ils sont le plus vulnérables aux attaques des prédateurs volants (épervier, faucon hobereau en particulier). Les secteurs les plus recherchés par les oiseaux pour établir le territoire où ils nichent sont situés le plus souvent aux intersections de haies ou sur le tracé des chemins ruraux où la double haie constitue l'équivalent d'un bosquet étiré.

Il n'y a pas une avifaune particulière au bocage. Les oiseaux de la haie sont essentiellement des espèces originaires de la forêt qui se sont adaptées à ce boisement linéaire. Selon les caractéristiques de la haie, on rencontre des espèces des buissons (fauvettes, pouillots, accenteur, merle, grive musicienne...), des espèces des hautes frondaisons (pigeon ramier, corneille, pie, buse...). Les espèces qui nichent dans les cavités qu'ils ont creusées dans les arbres malades (pic épeiche, pic vert) ou qui utilisent ensuite ces cavités (mésanges, sittelle, grimpereau, chouette chevêche...) sont les plus caractéristiques des haies âgées, les plus riches en nombre d'espèces. Suivant le type d'entretien, quelques espèces peuvent être favorisées : les haies basses attirent le bouvreuil, la linotte, l'accenteur ; les arbres têtards âgés à tronc creux sont recherchés par les rapaces nocturnes, le pigeon colombin, la huppe... Les vieux arbres offrent des cavités indispensables aux mésanges, à la sittelle...

Une avifaune originale peut s'installer dans un paysage de bocage dégradé. C'est le cas en particulier après les travaux suivant les remembrements : le parcellaire est incomplet, des talus sont déboisés et il reste souvent peu d'arbres matures, des tas de souches peuvent subsister, une flore de buissons spontanés s'installe sur les rives de nouvelles routes d'accès aux fermes. Sur ce nouveau « maillage » de clôtures artificielles, des espèces originaires de la lande s'installent. Les deux oiseaux les plus symboliques de ce stade dégradé de la haie sont le bruant jaune et le traquet pâtre (ou tarier pâtre). Menacées ailleurs par suite de la disparition des landes « mises en valeur » par l'agriculture ou par l'intensification des pratiques agricoles dans les paysages de plaines cultivées, ces espèces trouvent un refuge dans le bocage « light »...

Dans la haie, toutes les essences indigènes peuvent à un moment ou un autre de l'année nourrir les oiseaux : glands, faines, merises, cenelles de l'aubépine, noisettes, mures, baies du sureau, graines de l'aulne, du bouleau, etc. Le lierre est important, c'est le seul fruit de fin d'hiver, indispensable aux migrateurs de printemps (grives mauvis, fauvette à tête noire...). Sur le cours d'eau, les fruits de l'aulne (strobiles) sont décortiqués en hiver par le tarin, le chardonneret, le pinson. Au printemps, la mésange bleue se nourrit des chatons d'aulne riches en pollen, ainsi que sur ceux des saules et des trembles, comme les premiers bourdons. Sauf rares exceptions, la plupart des oiseaux de la haie sont insectivores à la belle saison. Chaque espèce a sa technique de chasse selon les proies recherchées (sur les feuilles, les bourgeons, les fleurs, les fruits, les écorces, le bois mort, dans les galles...) La prédation déborde souvent sur les parcelles, l'oiseau jouant alors le rôle d'un auxiliaire pour l'agriculteur. Le rôle des mésanges dans la protection des vergers intensifs est maintenant reconnu et encouragé à l'aide de nichoirs artificiels, les pommiers basses tiges ne présentant pas les cavités nécessaires à l'établissement du nid.

L'inventaire des oiseaux de la ferme
du Bosquet chez Christopher et Sarah LONG

Les 5 ha de la ferme (prairie naturelle, pâturage ovin et fauche) sont divisés en 7 parcelles principales.

Les haies représentent un linéaire d'environ 1 000 m, soit 200 m/ha. Quelques arbres isolés et un petit verger complètent le paysage.

Les haies sont toutes denses grâce à l'entretien particulier mis en œuvre par les propriétaires. Les brèches existant à leur arrivée en 2001 ont été closes grâce à la technique du plessage.

Par contre, la plupart des arbres de haut jet avaient été abattus avant la vente sans qu'une génération de jeunes arbres ait été prévue par le propriétaire précédent.


À droite : Plesse sur prunellier.

Suite à la signature de la convention « refuge » du Groupe ornithologique normand (GONm), un échantillon de 3 hectares est visité environ une fois par mois depuis mai 2004.

Au total 54 relevés d'une heure ont permis de noter 71 espèces dont 54 posées sur le site.


A droite : Souches anciennes des anciens arbres de la haie.

Parmi les espèces les plus fidèles, le merle noir et le rouge-gorge ont été notés lors de toutes les visites, la mésange bleue, le moineau domestique, le pinson des arbres, le troglodyte 53 fois.

Ces 54 espèces représentent plus de 75% du total observé (71 espèces qui comprennent aussi des oiseaux en déplacement ou des espèces cantonnées à l'extérieur de la ferme).

Plus clairement, seulement 3 de ces 5 ha accueillent les trois quarts des espèces locales, ce qui illustre bien les qualités du bocage préservé sur la ferme.

Parmi les espèces nichant dans les haies du Bosquet, le bouvreuil pivoine est une des espèces en forte régression en Europe (-50 % de la population nicheuse en 20 ans). Cette espèce a besoin d'un bocage dense pour se cantonner.

À droite : Nid de merle sur noisetier plessé.

L'absence d'arbres âgés créée un certain déséquilibre dans la population d'oiseaux, en particulier les espèces ayant besoin de vieux troncs à cavités.

Ainsi, deux recensements identiques (11 et 12/10/2010) au Bosquet et sur un autre refuge voisin (commune de Guilberville) donnent pour les deux espèces de mésanges les plus communes (mésanges bleue et charbonnière) les résultats suivants : à Guilberville (nombreux arbres et bosquet), ces deux espèces représentent 15,4% du nombre total d'oiseaux comptés lors du relevé.

Au Bosquet, cette fréquence n'est que de 8,1%. La comparaison serait plus probante au printemps en s'appuyant sur le nombre de couples nicheurs, mais la préférence des mésanges pour les feuillage hauts où elles chassent donne aussi de la signification à cette comparaison en automne.

Espèce

Date

Effectif

Espèce

Date

Effectif

Grive mauvis

15/11/06

66

Pinson des arbres

13/02/06

35

Grive litorne

21/01/08

12

Moineau domestique

18/09/06

18

Merle noir

17/08/10

16

Linotte mélodieuse

22/06/09

25

Rouge-gorge

11/10/10

17

Hirondelle rustique

08/08/06

22

Quelques effectifs maximum comptés
sur la ferme du Bosquet.

La ferme accueille aussi des oiseaux liés aux bâtiments. L'hirondelle de cheminée (ou h. rustique) niche ici (au moins 3 couples) ; elle accuse une régression de 10 % au cours des 5 dernières années en Europe ; le moineau domestique (au moins 6 couples) considéré comme « banal » a régressé de plus de 50 % au cours des 20 dernières années en Europe.

À droite : Nids d'hirondelle rustique (dont un squatté par le moineau domestique, nid grossier en boule de foin).



(Propriété de M. et Mme LONG, réseau des refuges du Groupe ornithologique normand)


Voir aussi: Refuge au Bosquet 07-2011 par J. Collette (Petit Cormoran)

Voir aussi : Groupe Ornithologique Normand (GONm)

Voir aussi : Ornithologie au Bosquet

Voir aussi : Le Boquet, une étude archéologique

Voir aussi : Index principal

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